Attributs physiques

La première chose que l’on remarque au sujet de Theo, est sa voix. Grave, profonde, et qui gronde sur la fin des phrases. Peut-être l'avez vous d'abord entendue dans votre dos. Peut-être avez-vous été surpris de découvrir le physique auquel elle est associée. Celui d'un jeune garçon aux traits angéliques, encadrés par les mèches sombres qui s'échappent d'un chignon approximatif. La peau pâle est marquée de quelques tâches de rousseur, indices de ses origines celtiques. Expression rieuse et sourire joueur, il vous a probablement adressé un clin d'œil de ce vert tendre qui vous aura laissé un souvenir vif.

Son style vestimentaire est fortement influencé par le tech wear. Sangles et poches en tous sens, agrémentées de chaînes en métal et de nombreux bijoux qu'il affectionne. Parfois plus rock, parfois plus grunge, ou même plus classique. Avec des chemises colorées dont les manches remontées affichent les nombreux tatouages qui courent de son cou jusqu'au dessus de ses mains. Il profite des premiers rayons du printemps pour sortir en crop top, dévoilant une taille fine, un ventre plat sur lequel la musculature du pole dance trace de délicats sillons. Maquillage, vernis à ongle, les codes et les genres sont un terrain de jeu qu'il explore de manière décomplexée.

En observant plus attentivement l'encre qui couvre sa peau, vous remarquerez parmi les dessins imbriqués des personnages qui vous seront étrangers, des créatures à écailles, des fleurs aux fragiles pétales. Des yeux noirs vous fixeront en retour, symboles d'une magie oubliée. Tracés de style old school, auxquels quelques gravures et pointillismes apportent de la variété. Ses lobes sont décorés d'écarteurs qui varient autant que ses humeurs. Des piercings en acier hérissent ses oreilles, et vous aurez assez rapidement l'occasion de remarquer celui qui orne sa langue. Quant à ceux dispersés sur le reste de son corps, ils demanderont un peu plus de temps pour être découverts.

Personnalité

Theo est avant tout une créature sociale. Exubérant lorsqu'il est heureux, maussade lorsqu'il est mécontent. Il communique très facilement ses émotions à son entourage - qu'il le veuille ou non, car l'expressivité de ses traits laisse peu de place à l'imagination. Capable de passer d'une moue boudeuse à un sourire enthousiaste en quelques secondes, les mauvaises humeurs ne s'installent jamais très longtemps sur son visage.

C'est une histoire différente qui se joue derrière la porte close de son petit appartement parisien. S'il sait apprécier la solitude qui lui permet de s'adonner au dessin et à la peinture, Theo est facilement pris de mélancolie. Ce sont les autres qui lui donnent l'énergie de se montrer aussi solaire qu'il peut l'être. Seul, les regrets et les remords reviennent parasiter ses pensées. Son sommeil est erratique, constitué de nuits courtes, enchaînées jusqu'à ce qu'il s'effondre finalement plus de douze heures d'affilée.

Pour cette raison, Theo s'entoure. Il a besoin des autres pour exister, et a tendance à naturellement se mettre à leur service. Cette attitude a déjà amené son lot de personnes mal intentionnées dans sa vie, et elle le fera de nouveau. Mais le garçon préfère s’exposer à la déception plutôt que d'arrêter de croire aux gens.

Paradoxalement, il ne supporte pas d'être enchaîné. La liberté est sans aucun doute la valeur la plus importante pour lui. Au point de le mettre perpétuellement en conflit avec l'autorité. Au point de le faire fuir des lieux où il se sent enfermé, de repousser ceux qui l'y attachent. De la même manière, il a du mal à rester témoin inactif d'une situation qui relève selon lui de cette forme d'injustice.

Si son rapport aux autres est ambivalent, celui qu’il entretient à lui-même n’est pas tellement plus simple. Theo sait d’expérience qu’il est la seule personne qui peut le protéger, mais il ne pense pas toujours le mériter. Il a conscience que sa situation d’immigré appelle à la prudence, et se tourne pourtant vers des substances qui engendrent la perte de contrôle, vers des activités en marge de la loi. Il se met en danger ou s’y abandonne, si bien qu’un regard éclairé s’interrogera sur la conviction réelle de certains des choix du garçon.

« I don't have time for this. »

La phrase est soupirée par un père au bout de sa patience. Assis dans le bureau du principal, Theo garde la tête baissée sur ses mains. Entre ses doigts, un stylo Bic trace des motifs sur l’une de ses paumes. Ce n’est pas la première fois qu’il est là, mais d’habitude c’est maman qui vient aux convocations. C’est mieux quand c’est elle, c’est plus simple. Elle comprend. De ses cinq frères, Theo est le petit dernier, celui sur lequel elle pose un regard bienveillant. Pour papa, il est celui pour lequel il n’a jamais le temps.

Quatre frères, c’est beaucoup. Beaucoup d’emmerdes. Surtout quand on est le plus jeune, le plus chétif, corvéable à souhait, victime oubliée. Les cris, les engueulades : c’est le seul moyen qu’il a trouvé pour qu’on se rappelle qu’il existe. Alors oui, il est encore là, dans cette pièce austère et froide. Mais au moins à l’école, ce n’est pas avec ses frères qu’il se bat.


« This pal is shagging your girl, and you're not going to do anything about it? »

Theo secoue la tête, expire fortement la fumée par ses narines. Les pensées s’embrouillent dans sa tête, entre la bière et le cannabis. À ce stade, il n’a plus vraiment le choix. C’est déjà assez difficile d’être le seul garçon comme lui dans un village perdu au Sud de l’Irlande. Assez difficile de devoir constamment carrer les épaules pour empêcher les autres de le traiter de pédé. Il ne peut pas en plus se laisser appeler cocu.

Les deux groupes se retrouvent devant le pub, la confrontation éclate. Tout va trop vite à la lumière de l’alcool. Les corps se fracassent les uns contre les autres, la nuit explose de leurs cris. Theo voit flou, de rage et de désespoir. L’autre garçon face à lui, de toutes ses forces, il le pousse, le projette en arrière.

Et la voiture passe.

Crissement de pneus, choc sourd, craquement effroyable qui déchire l'air.

Et un ange passe.

Theo n’entend plus que le battement de son cœur à ses oreilles. Est-ce du sang ou simplement les reflets des lampadaires sur les pavés ? Les regards se tournent vers lui, l’interrogent mais il ne sait pas répondre. Alors Theo fuit. Il court si fort qu’il a l’impression que ses jambes vont se disloquer. Il court pour arriver là où rien de tout ça n’a existé.


« Where are you? They are looking for you. »

Le message s'affiche en lettres bleutées sur l'écran rétro-éclairé. Le téléphone tremble entre les doigts de Theo. Ça fait presque deux jours qu'il n'a rien mangé, la nourriture remonte aussitôt qu'elle pénètre sa gorge. C'est l'hypoglycémie qui le rattrape - et il peut s’estimer heureux tant que ce n’est que ça.

Le garçon prend une décision. La coquille du téléphone s’ouvre en craquant, il extrait la carte SIM de la carcasse, la jette au loin sur le trottoir. L’appareil finit entre les mains du SDF assis à côté de lui. Theo le remercie avant de se lever pour s’éloigner. Il effectue un dernier retrait avec la carte de crédit de sa mère puis prend la direction de la gare Saint Pancras International.


« Tu veux quoi ? »

Theo s'arrête net, balance la question en se retournant. Il reconnaît le visage de l'autre homme, il était déjà là au bar. L'inconnu se rapproche, sa silhouette est envahie par les ombres de cette ruelle du Marais. Un sourire lui fend la face.

« C'est une bien grande gueule que t'as là, je me demande tout ce qu'on peut y faire entrer. » Le garçon lève les yeux au ciel, il a déjà connu plus subtil. « L'argent d'abord. », crache-t-il presque. Au moins, peut-être pourra-t-il dormir au chaud ce soir.


« J'aime beaucoup ce que tu fais. »

Sourire timide, incertain. « Merci. » Theo secoue la bombe d’acrylique dans sa main, le claquement familier l’aide à retrouver une contenance. Il a faillit se pisser dessus quand le nouvel arrivant l’a pris par surprise. Pourtant, il a l'air gentil.

« Je te trouve très doué. » L’homme observe le tracé sur le mur, une expression songeuse sur le visage. Le garçon se contente de hausser les épaules pour toute réponse. Il n’a pas l’habitude qu’on le complimente, c’est pour lui qu’il graff. Une façon de nouer un lien avec cette ville qui l’a accueilli malgré elle.

« Je travaille dans un salon de tatouage à Châtelet, n'hésite pas à passer un de ces jours. »


« Parce que je préfère qu'ils fassent ça avec moi... rather than... to some girl they just find waiting for the last train. »

La réponse monte avec la fumée en direction du velux. Mad vient de lui demander pourquoi il continue à se prostituer, maintenant qu’il a un revenu stable. La question est légitime. Theo est déjà content d’avoir réussi à s’extirper des petits trafics dans lesquels il a gentiment trempé, à l’époque où il errait d’un canapé à l’autre. Il a arrêté de tourner dans les films des autres, aussi. Only Fans lui a permis de se mettre à son compte, de contrôler ce qui est mis et ce qui reste en ligne. Ça lui fait déjà beaucoup de changements.

« Plus, I need the money, honey! », lance-t-il avec un rire dans la voix. Il ne dit pas qu'il a peur d'y retourner. Que depuis qu'il a connu la rue, il a le froid en phobie. C'est trois loyers d'avance qui dorment sur son compte en banque. Il passe également sous silence son besoin de physicalité. Obsession que l'insensibilisation - née du toucher de tous ces corps sur le sien - empêche de jamais satisfaire.

Et Mad lui laisse ses demi-vérités, elle le laisse taire ce qu'il désire. Elle se contente de rire avec lui, de lui piquer le joint et de le laisser faire le pitre. Elle sort son tarot et commence à disposer les cartes sur la table basse, babillant au sujet de la destinée du jeune homme. Et pour cela, il ne pourrait pas être plus reconnaissant.