Attributs physiques

La cigarette au bec, comme compagne éternellement fidèle, coincée entre ses lèvres minces et abimées. La fumée qui remonte, le long de son visage creusé et pâle, faisant s’humidifier ses yeux bicolores, vestige de la bêtise d'un vieil ennemi. L’une de ses pupilles est brune et l’autre livide, creuse, blanche. La nicotine se fraie un chemin, dessinant sa large cicatrice, juste en dessous de son lobe d’oreille gauche, passant par son sourcil, empêchant la repousse des poils, et finissant sa trajectoire sur le haut de son crâne, sectionnant son front en deux parties. Ses cheveux sont rasés, signe d’une habitude marquée au fer rouge en lui. Un jour, il osera peut-être les laisser pousser.

Son corps, il n’en prend pas grand soin. Ce n’est qu’un réceptacle, une boîte qu’il tente d’entretenir un peu aléatoirement. Il le déteste, ce corps. Il le dégoûte, même. Il n’y voit rien de bon. Il ne se trouve absolument pas séduisant. Il reste néanmoins son outil de travail, alors il l’a façonné de sorte à ce qu’il puisse survivre en territoire hostile. Il est mince, toutefois ses muscles sont suffisants pour lui donner un air intimidant. Et si vos yeux sont ceux d’un faucon, vous apercevrez quelques traces de lutte, ci et là. Levi a de longues jambes lui ayant donné l’occasion de mesurer près d’1m93. Souvent habillé simplement, il aime tout de même les vêtements larges, pour être libre de ses actions. Néanmoins, il lui arrive parfois de mettre des vêtements tout à fait différents, il ne voit aucun mal à porter des crop-top, des pantalons en pattes d'éléphant ou, si on le lui propose, des jupes. Pour lui, les vêtements sont simplement des bouts de tissus, il se fiche donc de ce qu'il peut bien porter. Si son visage n’est guère des plus accueillants, son regard constamment incandescent et ses sourcils froncés, on trouvera un peu de réconfort sur son torse et dans ses bras. Il sait étreindre, fermement. Et ses larges mains, écorchées, savent protéger. Il est peut-être meilleur pour cela que pour les câlins, en réalité.

Il n’a pas un physique qui attire beaucoup les regards, il paraît souvent plus jeune et il a des airs de mauvais garçon, le genre qu’il ne vaut mieux pas trop côtoyer. Il a une voix rauque et qui a des tendances à se casser facilement au vu de ses accès de colère le poussant à hausser le ton sans trop de raison.

Personnalité

Levi est un alliage chimique et toxique. Une substance polluante, qu’il ne faut pas toucher. Corrosif, il agit en combustion, pyromane de sa propre vie. Il est le briquet et l’essence, le Molotov auto-inflammable. Il agit en gangrène, attaquant les corps et les esprits. Laissant des ecchymoses à l’âme et à l’épiderme, faisant s’écouler sang et larmes, sans savoir distinguer les deux, ni pour quelle raison il en vient là. C’est un enfant sauvage, à qui il manque les bases, mais qui refuse le changement. Il craint le changement, autant que son environnement. Perpétuelle méfiance le conduisant à saboter ses propres projets et relations. Perdre n’est pas une option, elle ne l’a jamais été. Alors, dans ce brasier imaginaire, il se relève, sans cesse. Mais si l’échec se présente à sa porte, bien décidée à le saisir par la gorge, alors il passera à autre chose. Il fuira l’humiliation. Dans ce jeu mortel, rien n’a de sens à ses yeux. Tout n’est que violence et méchanceté. Sa langue, fendue et aiguisée comme celle d’un serpent, se tord pour siffler des immondices à tout va, comme seule marque de langage, vestige d’une enfance troublée dont les réminiscences se font rares et douloureuses et preuve d’une communication douteuse.

Sa franchise est sans pudeur ni morale, elle fait mal, est abrupte. Elle fait écho à une anxiété permanente, une vigilance paranoïaque, l’impression de ne plus rien saisir, d’être la cible d’un maléfice. Et face à son miroir, il ne différencie plus la réalité de l’imaginaire. Comme seul analgique, l’addiction. Son auto-destruction ne réside pas uniquement dans ses crises de colère, elle est présente jusqu’à sa propre santé. De façon discrète, toujours. Faire passer les choses doucement, pour qu’elles paraissent légitimes. Une cigarette consumée, un acharnement sportif, une blessure non soignée. De l’alcool jusqu’à sentir son cœur dérapé. La douleur est sa façon de s’ancrer dans le réel, d’avoir conscience de son corps, de son cœur qui bat encore, parfois un peu trop vite. Cette angoisse éternelle qui dévore ses entrailles quotidiennement n’est anesthésiée que par le calme. Le silence absolu. Il en vient à s’empêcher de dormir, pour profiter de quelques instants d’éternité. Cette façade est une confidence, de vous à moi, un secret jalousement gardé, par peur que l’on s’en serve contre lui et parce qu’au fond la honte est trop omniprésente pour qu’il puisse oser le communiquer.

Il n’est pas cruel. Ni cynique. Il est la lune, derrière le soleil. Moins brillante, mais protectrice. Servant de bouclier. Car son entourage, bien que limité, sait qu’il peut compter sur lui. Vaillant chevalier, loyal et fidèle, prêt à se sacrifier. Prêt à brûler le monde entier pour une personne. Et ça lui fait peur, à vrai dire. Car il se sait capable du meilleur, il peut être un grand romantique, mais jusqu’où son amour peut-il bien aller ? Il se dit que, s’il était amoureux, il n’aurait plus aucune limite. Il a toujours été de nature désobéissante, pourtant. Il aime défier, être arrogant, cracher des injures et tester les limites de chaque personne. Sa propre vie n’a jamais eu une quelconque importance. C’est là que réside son absence totale d’estime de lui-même. Il agit sans réfléchir en amont, sans évaluer les risques, sans s’inquiéter des conséquences de ses actions sur ses pairs. Ce n’est pas par méchanceté, il ne sait simplement pas communiquer comme il se doit. Il est à la recherche de la liberté, se sentant comme emprisonné dans cette société et dans son propre corps, il veut l’absolu. Il veut tout ce qu’il n’a pas. Il n’est pas de ceux que l’on peut attacher à une laisse ou à un piquet au sol, lui il grognera, se débattra, il voudra s’enfuir, il ne supportera pas être enfermé, il est un oiseau ne demandant qu’à déployer ses ailes.

Pour autant, il reste quelqu’un d’attentif. Peu bavard, mais qui détaille ceux qui l’entoure, retenant tout ce qu’il peut. S’il le souhaite réellement, il sait se montrer appliqué, minutieux et plus ou moins patient. Il a simplement besoin d’énergie et de calme. D’une sorte de cocon, dans lequel il peut se réfugier. Protecteur, il l’est, envers beaucoup de gens, sans réelle distinction. Plutôt curieux, peur de rester immobile. Actif, sportif, il lui faut des sensations, des frissons. De la sueur. Il aime l’aventure, les conneries faites à des heures tardives au coin d’une ruelle, l’alcool dégoulinant le long de sa gorge et toutes ses conséquences associées. Talentueux, il l’est, sans s’en rendre compte. Il compense son manque de communication via les gestes. Les actions, elles, sont concrètes, physiques et tangibles. Les mots ne sont que des récitations, des espoirs immatériels. Lui, aime rester les pieds sur terre. Se poser les bonnes questions, pour avoir les bonnes réponses. Il est pragmatique. Dans la recherche de la pratique, du concret. De là découle sa loyauté infinie, un homme digne de confiance lorsque l’on sait le dompter. Un homme avec beaucoup de qualités, innovateur, organisé, soigneux, autonome. Jamais il ne prononcera de mensonge, il préférera se taire, ou manipuler les mots de sorte à maquiller la vérité, sans pour autant mentir. Mais sa colère, qu’il ne maîtrise pas, est trop dévastatrice pour que quiconque ne veuille creuser plus loin. Parce qu’avec ses mots, il blesse, il tranche à vif, il saupoudre les blessures de sel, de rire jaune et de sarcasme. Ses mauvaises blagues, légitimées par un humour noir, sont douteuses et peu appréciées. Il semble toujours en guerre, contre quelqu’un ou quelque chose, qu’importe.

Levi est toxique parce qu’il se sait blessant, mais ne veut pas changer.

TW : mentions de maltraitance, alcoolisme, violence, vulgarité, drogue...

Couché sur la carcasse d’une voiture, observant un paysage de rouille et de déchets, Levi crachait une fumée opaque qui avait l’odeur de désespoir. Ses yeux, mi-clos, se penchaient vers sa meilleure amie, Sacha. Ses longs cheveux bleus chatouillaient les fossettes dans le bas de son dos dénudé. Elle aimait ne porter qu’une brassière, malgré le froid sibérien. Elle aimait paraître forte, indépendante, malgré les blessures qui parcouraient son corps et son cœur. Elle souffla bruyamment, s’écharnant sur son briquet en manque de gaz.


Une énième respiration âcre, pour tenter de gagner du temps. Il avait toujours été honnête. On ne l’entendait jamais prononcer le moindre mensonge, il n’en voyait simplement pas l’intérêt. Mais à cet instant, il aurait aimé pouvoir faire preuve de duplicité. Il jeta dans la terre le bout de papier noirci qui lui avait servi de filtre et s’assied sur le toit de cette voiture sale, fixant ses mains qui ne cessaient de trembler un peu plus chaque seconde.



Sacha s’étouffa dans sa bière, s’esclaffant sans gêne. Elle n’y croyait absolument pas. Serait-il capable de la laisser là, toute seule, après tout ce qu’ils venaient de vivre ensemble ? C’est à la teinte de son regard, plein de détermination, qu’elle comprit qu’il était tout à fait sérieux. Elle s’extirpa du métal froid pour ouvrir la portière arrière, s’installant sur la banquette éventrée, pour cacher son visage qui trahirait toutes ses pensées. Car il était ainsi, Levi, il lisait en elle comme un livre ouvert.


Elle l’entendit rire du haut de cette épave, puis il s’installa sur le siège conducteur, s’affaissant contre le volant. Il avait arrêté l’armée suite à cette blessure, il ne revêtait plus les couleurs de la Russie, ce pays ne le retenait plus. Son œil vitreux et cette longue cicatrice lui rappelaient qu’il n’était pas le bienvenu, ici.



Il se savait sérieux, il aurait pu lui mettre une balle en pleine tête, à cette époque. Ivan était son supérieur et celui qui, après un énième bizutage, lui avait offert cette énorme cicatrice et l’avait rendu borgne. Il avait écopé de plusieurs années de prison, mais ça ne suffisait pas à calmer les nerfs du franco-russe.


Levi cracha à travers la fenêtre brisée sans pour autant pouvoir retenir un vieux sourire sarcastique. Sacha fit s’éclater au sol le cadavre de sa bière et ouvrit une bouteille de vodka, comme pour mettre un terme à ce sujet encore trop récent et douloureux. Pour panser les plaies de son ami, elle rajouta tout de même, la voix adoucie :




Elle haussa les épaules, prouvant que cela n’avait pas la moindre importance. Son père avait toujours voulu faire de lui un idéal, un fier citoyen russe. Lui n’avait pas réussi à intégrer l’armée, pas assez sportif apparemment, Levi restera persuadé que c’était à cause de la drogue. A la place, il était devenu un homme politique puissant au sein du pays... Sacha retroussa ses manches, se contorsionna pour rejoindre le siège passager et lui montra ses bras, couverts de cicatrice de brûlures.


Il n’en était pas si sûr. Il était tout aussi violent que son père avait pu l’être. Les placards de son enfance, remplis de différentes liqueurs enivrantes, étaient les mêmes que ceux de son appartement. Les coups que son père lui avait mis, à lui et à sa seule alliée, sa mère, étaient aussi forts que ceux qu’il avait pu mettre en sortie de boîte de nuit. La seule différence entre eux, c’était que personne ne savait que Mikhaïl était une raclure. Tout le monde l’aimait, pire ils l’adulaient et le plaignait d’avoir un fils aussi exécrable, aussi misérable. Un fils qui n’avait pas le moindre diplôme, qui était minable à l’école, qui volait les petits commerçants, fumait, buvait à outrance et était toujours accompagné de sa bande d’amis de voyou.




Levi éclata d’un rire franc, pas véritablement certain de savoir si ça c’était vraiment produit ou pas. Enfin, avec sa mère et ses névroses contagieuses, ça ne l’étonnerait pas. Celle aux cheveux bleus bu au goulot, se brûlant l’œsophage sans afficher la moindre grimace, comme si elle appréciait réellement ça. Pourtant, ils savaient tous les deux que c’était faux. Cette débauche et cette ivresse, ils ne l’ont jamais voulu. Au départ, c’était simplement pour jouer aux durs. Puis petit à petit... c’est devenu leur réalité.



Car il avait remarqué ses yeux humidifiés et ses sourcils froncés, et il préférait être sarcastique que de se lamenter. Elle lui tendit la bouteille, qu’il accepta. Vivre cette soirée comme ils avaient vécu toutes celles avant, c’était peut-être la meilleure façon de se dire au revoir. Faire comme si de rien était. Comme si demain matin il ne sera pas dans un avion direction Paris. Sacha effrita l’herbe sous ses doigts, pour mieux la brûler, et marmonna dans sa barbe.


L’amour vache, dit-on. Car elle l’aimait, Levi. Il était comme un frère, pour elle. Il l’avait sauvé du joug de son ancien petit ami, à l’époque où elle préférait se taire et se faire discrète, comme on le lui avait enseigné. Et lui était arrivé, avec ses insultes, ses joints et sa violence. Bourré à ne plus pouvoir en marcher, il l’avait protégé. Plus par la connerie dû à son ébriété que par réelle inquiétude. Pour autant, une fois sobre, il ne l’abandonna pas. Elle non plus, par ailleurs. Ils avaient saccagé la voiture de son ex, avec toute leur bande, et il l’avait intégré à son groupe. Une dégénérée en plus, c’était-il dit. Il faisait semblant d’être ennuyé d’eux, mais en réalité... sans eux il ne serait certainement plus là.



Hilare, Sacha tapait contre la porte en se tenant le ventre de sa main libre. Alekseï était presque le jumeau de Levi. Ils étaient deux corps différents, mais la même âme. Leur relation était profonde. Bien plus qu’il n’a jamais voulu l’admettre. Alekseï était son premier véritable amour. Il pouvait brûler ce monde pour lui. Et inversement. Il ne lui avait jamais avoué ses sentiments, bien qu’il se doutait de la réciprocité. Mais c’était trop difficile. Il ne s’aimait pas lui-même, alors comment pouvait-il aimer autrui ? Pour autant, Alekseï avait toujours été là pour lui, depuis la primaire. Sacha finit par se calmer, reprenant son souffle, et prit un air plus sérieux.


Son sourire se fit maigre, peu sincère. Il n’était pas sûr de mériter quoique ce soit. Son père avait passé toute sa vie à le lui faire comprendre, il n’était rien et n’aurait rien. Sa mère, Pénélope, n’était qu’une française idiote, prête à donner son corps à un inconnu russe pour vivre un peu moins dans la pauvreté, lui avait-il dit. Au fond, ils étaient tous des gamins brisés qui n’avaient rien d’autre dans les mains que du fumier. Leur seul souhait aura été d’être libre, de pouvoir rire jusqu’à s’en déchirer les abdos, de vivre comme ils l’entendaient. On ne le leur a pas accordé.


Et il s’exécuta. Face à elle, il pouvait le faire. Il n’avait pas peur. Alors il chanta, encore et encore, jusqu’à en être ivre. La nuit passa. L’avion décolla. Et le voilà, 2 ans plus tard, toujours à Paris. Si au départ il avait vécu à la rue, goûtant à la misère française, il finit par trouver un petit appart qu’il pouvait se payer grâce aux indemnités de son agression et aux quelques boulots qu’il faisait, ci et là. Et aussi grâce aux drogues qu’il vendait au coin de quelques rues sombres et crades. Il était venu prendre un nouveau départ, s’éloigner de tout ce qui le faisait souffrir... Il n’était pas sûr que ça allait marcher, au final. Dans ce tourbillon, il rencontra ce chat noir, amoché, borgne comme lui. Il l’avait nommé Calcifer, en référence au démon du Château Ambulant. Au moins, il avait quelqu’un qui l’accompagnerait toujours. Il envoyait quelques cartes à ses amis, en Russie, ainsi que quelques photos et textos... Alekseï lui en voulait terriblement. Sacha faisait semblant que tout allait bien. Et les autres lui donnaient des nouvelles de leur bande, des personnes qui s’y ajoutaient.

Il n’était encore pas revenu, malgré sa promesse.