Attributs physiques

Lunaire pastel, vibrant tout en douceur. Grand garçon efflanqué à la complexion pleine de mixité ; il a la peau colorée, un doux grain plus clair que le café au lait. Ses traits appartiennent aussi à l’Europe, son regard est clair, bleu-gris, dans un écrin de cils épais. Sa bouche, comme celle de son père, a la pulpe généreuse et l’arc dessiné, elle marque tous les débuts de ses sourires. Pommettes colorées, souvent maquillées mais bien plus encore gênées ; c’est les sentiments qui constituent la palette de ses traits. Il n’y a rien qui coupe chez lui, rien d’anguleux si ce n’est sa minceur. Longtemps, Minuit était moineau mais la puberté l’a rendu grand, pourtant en poussant il ne s’est pas beaucoup étoffé. Cela ne l’empêche pas de se tenir droit, il fuit parfois et se cache dans ses boucles il est vrai mais son dos, lui, a de la fierté.

Personnalité

Moineau, Minuit ; qu’il est réservé ! Ne le regardez pas trop longtemps au risque de le faire s’empourprer. Il se déteste ainsi, pourtant, et refuse d’être considéré adolescent car on dit que c’est l’âge bête et lui ne veut pas l’être, bête. Il est finit, ce temps, il est temps d’arrêter d’être un enfant. Alors il est rêveur, enjôleur et découvre que quand on est grand, on peut séduire. Battre des cils suffit parfois à faire tomber les murs, il n’a pas peur du ridicule des précieuses. Tout lunaire qu’il est, il crépite d’un feu joyeux qui le fait sautiller parfois en secret ; son rire n’est pas si difficile à provoquer. Il éclate devant les livres qu’il emporte avec lui, s’emporte face à une comédie, bourgeonne devant les amants, les amis, les aimés. Fraternel, loyal mais têtu et obstiné. Il est aussi mystique et adore le mystère de sa personnalité très calfeutrée, il aime fasciner et qu’on le prenne pour cible car il est ce qu’il est ; l’enfant des heures de passion, Minuit.

« Minuit ! Car à minuit c’est l’heure où l’on s’aime, c’est l’heure des passions, » « C’est aussi l’heure des crimes. » « Oh allons, qu’y a-t-il de criminel dans ce Minuit là ? Minuit c’est l’heure où je t’ai aimée. Où tu m’as aimé. » « C’était un crime en soi. » « Comme tu y vas fort, ce n’était pas un crime. Mais regarde un peu ce qu’il a donné ! L’amour a toutes les fureurs, c’est là que nait la beauté et il sera cela, notre fils, même dans tous ses défauts. Il sera beau. Il sera comme toi, comme moi. » Il sourit, elle pleure. « Je t’aime tellement de m’avoir aimée. » « C’est étrange, ce que tu dis là. Est-ce qu’on aime quelqu’un pour ce qu’il nous donne ou pour ce qu’il est ? Ah ! Je ne sais pas. » Elle se tait un instant avant de reprendre. « Je voudrais le garder. » « Je sais. Mais ce n’est pas un adieu puisqu’il sera avec moi et que, moi, je t’aimerai toujours. L’amour trouve son chemin à tous les coups, alors je trouverai le mien vers toi. C’est ma malédiction, j’aime ! J’adore, jusqu’au bout et pour toujours, jamais chez moi je ne connais le relâchement des peines. Quand bien même tu pourrais me détester, moi, moi je t’aime. » Et puisqu’il l’embrasse elle sourit rien qu’un peu. « J’espère qu’il sera comme toi. » « Et moi comme toi. » « Je lui dirai tout de toi, je te décrirai si bien qu’il t’aimera sûrement plus que moi. » « Vous viendrez me voir ? » « Oui. » « Il sera Minuit alors. »

Ils sourient tout en se brisant.
Minuit dort - il n’est rien encore, seulement petit. Petites mains, petites oreilles. Il n’a pas de dents, il n’a pas de cils, est né presque sans cheveux - ceux qui ont malgré tout fait leur percée sont de boucles châtain toutes éparses. Elles fleuriront plus tard comme un cortège par delà ses yeux clairs. Il ressemblent tant à son père.

Petit Minuit a suivit les bras paternels ; ces derniers sont solaires, bouillonnants ! Ils brûlent comme des astres flamboyants, oh papa est tout en sourires et se fait aimer aux quatre vents. Être près de lui est un apprentissage et petit Minuit ne le quitte jamais. Dans ses voiles, dans ses jupes, dans ses gestes grandiloquents, il apprend la magie de la vie et celle de la scène, aussi. Ce sont les grandes Amériques qui le voient grandir car papa vient de ces terres tout là-bas et maman, elle, reste en France. Mais ils n’ont pas de maison, pas de cocon, le nid qu’ils se façonnent est lové entre leurs bras enlacés, de cette façon ils peuvent l’emporter partout ! Il y a mamie, il y a papi, tous manient les couleurs de la vie. Itinérant, il grandit dans les hôtels et les foires, dans les cirques et les cabarets ; papa est très apprécié ! Là-bas, au cœur des grandes Amériques, on aime les charlatans qui prédisent l’avenir dans des miroirs de couleur et des écrans de fumée. Ils prennent tous des airs très sérieux que petit Minuit observe la bouche ouverte ; ce qu’il aime le plus, ce sont les cartes de tarot que papa retourne comme un magicien. La mort ! Le jugement ! L’amoureux ! C’est sa carte préférée - il ne sait pas ce qu’elle signifie mais l’amour, lui a-t-on dit, c’est le plus important.

Mamie lui apprend l’alphabet ; a, b, c, d, et cet oiseau ci c’est une pie !
Papi n’est pas très gentil, il met dans sa gorge tout un tas de liquide rouges, dorés, des potions qui font mal à la tête.
Il a tant de tontons et de taties ! Pas des vrais, on lui dit, mais c’est tout comme. L’une d’elles lui tend, alors qu’il est encore un tout petit Minuit, un livre très sérieux qui sera suivit de beaucoup d’autres. C’est ainsi qu’il se construit, il observe et il dévore les pages lorsqu’il n’écoute pas son papa lui apprendre ce qu’il y a à savoir de plus important.
C’est l’école de la vie.
Il a, autour de lui, des tas d’autres enfants qui comme lui sont itinérants ; ils s’appellent famille mais n’ont pas de lien de sang. Ce n’est pas grave, ils ont un nid ensemble et lui piaille très timidement ; il est lunaire et coloré de pastel là où son père est très chamarré. Adorable, quel doux petit bébé qui grandit si vite ! Pourtant ses lèvres en cœur expulsent des mots d’enfant jusqu’à très tard, Minuit ne veut pas grandir. Il veut rester à l’heure des premiers amours, se reposer contre le sein des aimés, celui de papa, celui de mamie et…

Celui de maman ?

Papa en parle souvent. Elle est blonde et très belle, dit-il. Il l’aime mais ne la voit jamais ; elle vit dans les lumières de la grande capitale Française et ne peut pas les rejoindre. Les promesses des premières heures se sont vites effacées, jamais ils ne sont allés la retrouver. Pourtant il sait tout d’elle, l’imite en prenant sa petite cuillère ; avec le petit doigt levé, papa dit ! L’auriculaire au ciel, il rosit de plaisir en se disant que quelque part, sous le même ciel à des milles d’ici, une femme en fait de même et qu’elle l’a enfanté.
Non, il ne veut pas grandir car si elle doit un jour le retrouver, il veut être son bébé. Pourtant son imaginaire fleurit et les idées fusent ! Là, dans ses silences, Minuit réfléchit et se construit. Il écrit ses leçons, va parfois à l’école - mais ce n’est jamais longtemps, leur nid se déplace si souvent. Lui s’en moque, il apprend dans les coulisses de bien plus jolies choses que celles qu’on lui dit sur les bancs de l’école.

Sur le proscenium, les enfants jouent ; « Ahahah ! Je suis Napoléon Bonaparte ! » Ulysse a mit un petit chapeau rouge pour se costumer. Souvent, ils recréent les leçons des livres - c’est mamie qui supervise tout cela, petit théâtre d’histoire. Ils apprennent bien mieux comme ça ! « C’est moi le roi ! » « Mais non, Napoléon Bonaparte c’est l’empereur ! Comme Jules César. » Minuit rit, on l’entend peu, petite silhouette pour un enfant qui ne l’est plus tant que ça, petit.
Les années filent, papa ne semble pas vieillir. C’est peut-être le soleil dans son sourire ! Il a d’autres amours mais pas d’autres enfants ; il lui apprend ce que c’est que d’avoir un compagnon, ou plusieurs. Parfois il aime Arthur, parfois il aime Judith. Des fois, il aime Bettie et Carl en même temps ! « L’amour, mon petit ange, c’est ce que te dicte ton cœur ! Mais il faut toujours, toujours être honnête. La tromperie est l’antonyme de l’amour. » Il se dit, candide, qu’il sera toujours honnête.

Quinze ans ; il tire le tarot pour les dames dans la petite échoppe qu’a ouvert mamie à New York, dans une vieille boutique d’Harlem. Papi est parti et elle est fatiguée, malade, alors papa et lui on décidé d’installer leur nid avec elle dans la grosse pomme. Plus de voyages ! Et les enfants sont partis en même temps que les caravanes, ses amis tous envolés. Il faut aller au lycée - là bas, il est un oiseau bien étrange. « Vous êtes en retard en mathématiques. » Mais pourtant, il savait très bien compter la caisse ! Non, il ne faisait jamais d’erreurs.
Papa dit que ce n’est pas grave, il l’aide le soir à rattraper tout le retard des années qu’il lui a imposées - mais papa n’est pas tranquille. Mamie reste au lit alors c’est lui qui tire les cartes la journée pour pouvoir lui tenir la main la nuit. « Mimi, » dit-elle un matin en appelant Minuit près d’elle. Très douce, sa main fond dans la sienne et sa joue vient se reposer contre ses doigts repliés, parcheminés et un peu fripés. Elle lui sourit, sous ses yeux le noir s’est creusé ; elle y mettait tant de khôl auparavant qu’ils avaient l’air de deux morceaux de charbon. Maintenant le noir ne s’efface plus. « Il faut que tu guérisses, mamie. » Dit-il comme un adulte, le ton sérieux et le regard droit. C’est la première fois qu’il se comporte ainsi, d’ordinaire ses joues se colorent toujours avant de prononcer quoi que ce soit. « J’essaie, mon chéri. »

Mais mamie n’a pas réussit.
Alors l’échoppe a cessé de sentir comme les encens qu’elle faisait brûler et leur nid a perdu des plumes. Ils ont dû s’enlacer plus fort pour conjurer l’absence, avec papa,
puis au moment de repartir sur les routes du voyage,
il a dit ;
« Il faut que tu ailles à Paris. »
Voir maman. Minuit se dit que son père a comprit ; une maman c’est important. Lui l’a perdue, alors il veut que son fils puisse trouver la sienne.
« Mais, et toi papa ? »
Il sourit, plein de couleurs teintées de triste, « Moi, mon cœur, je t’attendrai toujours ici ! »

Paris n’est pas du tout comme les grandes Amériques.
Il y a une dame blonde qui pleure en le voyant arriver à l’aéroport. Ses bras tremblent et il se dit ; comme c’est étrange, elle n’est pas si jolie. Papa l’avait dite merveilleuse - il se fait la réflexion qu’elle l’est lorsqu’elle sourit. C’est étrange de se trouver ainsi, « tu as tellement grandit ! » dit-elle mais Minuit, de son côté, ne sait pas quoi répondre. Toi aussi ?
Il a envie de pleurer. Il ne sera jamais son bébé, non, il a trop grandit. Tellement, tellement grandit ! Répète-t-elle.

La vie, avec maman, n’a rien de celle qu’il a connue auparavant. Ici il a une chambre qui est grande et lumineuse, un appartement sur le boulevard des Batignoles. « Et ben, tu vas te perdre là dedans ! » rit son père à l’autre bout de l’appel vidéo. Il ne lui avait jamais dit que maman avait autant d’argent. Il a seize ans et les parisiens lui plaisent ; ils acceptent son immense accent et ses manières des Amériques. Peu à peu, il se métamorphose et mute - toujours lunaire pastel mais plus élégant. Ses cheveux sont teints ; blonds, blancs, roses parfois, ses oreilles se parent et son cou s’habille de jolies pierres qu’il chine dans les tiroirs de Zoé (sa mère) (mais pourquoi l’appeler maman ? il n’y arrive pas.) Il se dessine sur les yeux, « Qu’est-ce que tu veux faire plus tard, Minuit ? » Dit Zoé au petit déjeuner. « Comme papa. » Il le répète depuis toujours ! Je veux être comme mon père. On ne le croyait pas, pourtant les années passent et cela ne change pas. « Ce n’est pas un métier, ça. » Il ne s’entend pas si bien avec elle ; il veut rentrer mais n’ose pas le dire. Trop timide, il voit qu’elle l’aime et ne veut pas lui faire de peine. « Du cirque, ça te plairait ? Avant d’entamer des études plus sérieuses. Un peu comme... Je ne sais pas vraiment ce que tu faisais là bas. » Elle dit là bas avec dédain, cela le blesse. Mais il ne le dit pas.

« Pourquoi pas. »

Papa est étonné. « Une école de cirque ? » « Elle veut me payer des études. » Minuit souffle, il ne veut décevoir personne. Papa, à l’autre bout du fil, est toujours en voyage. « Tu pourrais essayer. Ça te plairait ? » Oui ? Non. Il ne sait pas. « Pourquoi pas. » Il ne sait pas dire non. « … Elle est comment maintenant, ta mère ? »

Il se tait, réfléchit.

Un mot très simple, très candide et pourtant cruel, sort de sa bouche. « Vieille. »
Il ne parle pas de son corps, non, de cela Minuit se moque ! Il parle de ce qu’il y a à l’intérieur. Il n’a jamais dit que mamie était vieille, pourtant maman l’est. Rabougrie, aigrie. « Je vois. » Papa comprend, cela ne s’explique pas. « Embrasse la pour moi. » « Elle veut pas entendre parler de toi. » Son père soupire, il en est triste mais il le sait pourtant déjà. Il le savait lorsqu’il était déjà tout bébé, il l’a dit ! Quand bien même tu pourrais me détester, moi, moi je t’aime.
Il voudrait dire ; est-ce que je peux rentrer avec toi ?
Mais il n’ose pas et l’appel se termine là.

Le cirque ne lui plait pas - ça ne le surprend pas - mais il se comporte bien et dès lors qu’il obtient son baccalauréat en sport études, il demande la fuite. C’était difficile, les diplômes, et ses résultats ne sont pas comme on l’aurait espéré. Cependant, il l’a fait, alors il faut être indulgent ! Zoé, qui sait qu’ils ne savent pas s’entendre sans pourtant parvenir à se séparer de lui, lui propose de vivre seul.

Douze rue Anatole France, Montreuil.
Il essaie de s’y faire un nid mais il n’y a pas d’enfants, il n’y a pas de papa, il n’y a plus mamie. Il n’y a que sur les murs des souvenirs passés qu’il se tue à vouloir retrouver, lui si timide qui ne sait point parler comme un grand, un adulte ; candide malgré toute cette vie qu’il a apprise. « Je te laisse deux ans Minuit, après ça il faudra trouver quelque chose à faire, quelque chose de sérieux. » Elle est avocate, elle voudrait qu’il fasse cela lui aussi. Deux ans, voilà ce qu’il a négocié.

Et qu’a-t-il fait, en deux ans ?
Visité des bras, des lits, cherché des amours dans ses livres et dans les contes de la vraie vie. Il voudrait retrouver la scène, tirer les jolies cartes du tarot, reproduire les effets que faisaient naître son grand père puis son père sur les planches ! Faire fleurir tous ses dons de passe-passe - mais il n’ose pas. Papa n’est pas là pour le guider. Si timide et si charmant, il a de longs cils maintenant ; il orne ses paupières de jolis joyaux, aime rougir sa bouche de sourires pleins de réserve. Il est de ces pierres de lune irisées, boucles décolorées pour sa peau qui est, comme celle de son père, un peu chamarrée.

À vingt ans, alors qu’il ne sait plus que faire, il ose espérer faire son nid au cabaret ; ici, Zoé ne viendra sûrement pas le chercher. Après tout, ce Montmartre est fait pour les minuit, ceux qui sonnent et ceux comme lui.